Vendredi 5 Novembre 1999

Le fil d’Ariane

10 pelotes de laine rouge de 155m chacune, soit 1,55 km de fil déposé sur le sol, accroché de-ci de-là, au grès des envies.



Au bout ? Mystère… Une récompense, comme certains passants ont pu demander ? L’artiste ? Peut-être… Ou bien alors, seulement la sensation de son passage… Quelqu’un est passé par ici, avec l’intention de nous interpeller… Mais que représente ce fil ?

Souvenir d’un Vendredi de Novembre

Déguisée en Ariane, je jouais à dérouler pour un Thésée de ma connaissance, artiste venu se confronter au Minotaure d’une société qui ne sait plus qu’Ariane, au bout du fil, sentait les tensions du cœur de l’homme qui allait affronter le terrible monstre et pour lequel elle heurtait l’autorité suprême des mœurs anciennes.
Etyën n’était plus le Thésée hésitant devant le monstre bourreau de la critique. Sa main ne tremblait pas, accrochée à ce fil troublant pour les passants, désorientés par le labyrinthe abstrait que créait en lui-même ce fil de laine rouge, qui se dispersait au grès de notre ardeur, de nos sensations, nos émotions.
Certains passants s’entravaient dans l’absurdité d’un fil qui ne menait nul part, à la rencontre fortuite de l’artiste ; d’autres cherchant à percer l’énigme se sont heurtés à la folie, l’emportement fougueux d’un pari sur le dévoilement de l’art dans la rue. Pari audacieux, dix pelotes de fil rouge ( un pull pour les hivers froids parisiens ), se sont dévidés comme un pull qui se démaillerait, tissant un immense labyrinthe artistique.

Le mythe avait repris une dimension homérique. Être l’héroïne d’un jour dans une épopée antique en cette fin de siècle, c’était à la fois revivre la complicité dans l’accomplissement d’exploits, mais aussi redonner vie à l’espoir de voir la libération et la gloire des passions sur l’autorité barbare de la monotonie.

(Anna Nhym)